«J'ai mal au dos, mal au genou, mal au bras. Pendant près de vingt ans, j'ai porté, porté, porté des
personnes âgées. »
Et Macron compte vraiment, pour toutes les Rosita du pays, repousser la retraite à 65 ans ? C'est à dire les condamner à une fin de carrière en pointillé, avec du RSA, de l'invalidité ? 65 ans et au-delà, ça va, quand on est banquier d'affaires ou conseiller chez MacKinsey, mais après des décennies dans le bâtiment, dans le ménage, comme soignants ou enseignants, qui le souhaite vraiment ?
Durant sa campagne, une porte après l'autre, François Ruffin a entendu cette petite musique sur « les assistés », « les cas soc' », eux qui « touchent des aides », pendant que « nous, on n'a droit à rien ». Au bistro, son voisin de bière le déplorait :
« Je vous aime bien, mais je ne peux pas voter à gauche : je suis pour le travail ! »
Alors, dans ces terres ouvrières, que dire, que faire ?
Mêlant analyses et témoignages, le député-reporter se bagarre, bien sûr, contre « les vrais assistés », ceux d'en haut, qu'on ne voit pas. Mais surtout, il en appelle à reprendre la valeur (du) travail, plaide pour une « République du faire ensemble » : plutôt qu'un « vivre-ensemble » passif et poussif, « faire-ensemble », c'est relever le nez vers un horizon.
Voici l'essai d'intervention du député-reporter François Ruffin sur l'urgence climatique et sociale. Un ouvrage coup de poing qui s'adresse à la jeunesse (et aux autres) afin que la lutte et l'espérance donnent naissance à un véritable front populaire écologique.
Pendant le confinement, depuis sa cuisine, François Ruffin dessine le monde de demain.
On en était où ?
Ah oui.
On fonçait vers le gouffre, à vitesse accélérée. La calotte glaciaire fondait, les ours polaires se noyaient, le Mont-Blanc reculait, les oiseaux ne se cachaient même plus pour mourir.
Et soudain, la planète s'arrête.
C'est une crise, avec son cortège de drames.
Mais c'est aussi une fenêtre.
L'occasion d'une bifurcation.
La mondialisation, le tout-marché, c'était « une folie », regrette le président. Et on nous le promet : « Il y aura un avant et un après ».
L'espoir renaît.
La crainte aussi.
Car, déjà, tout repart comme avant, de l'avant, et même pire qu'avant...
L'après se mérite.
L'après est un champ de bataille.
L'après est un combat, contre les forces obscures qui ne renoncent pas.
Durant les deux mois de confinement, François Ruffin, journaliste et député de la Somme, a animé sa radio-cuisine, « L'An 01 ». Il a reçu des milliers d'alertes, et beaucoup d'invités : des infirmières bien sûr, un ambulancier, des auxiliaires de vie, des caissières, un libraire, un cariste de chez Amazon, un ouvrier de chez Valeo, une patronne de bar-tabac, un routier à l'arrêt... Des intellectuels, également, pour penser ce moment.
En reporter, il passe ici cette crise au scalpel, en dresse un récit vivant. Et, en député, il ouvre des voies pour l'après : sur l'économie, la santé, la démocratie, l'égalité...
« On passe des commandes en ligne, on prend des apéros en ligne, bientôt on fera l'amour en ligne... Avec le Covid, notre société a gagné vingt ans. »
Thierry, restaurateur amiénois.
Il y a ceux qui se prosternent devant le moindre gadget, qui l'élèvent au rang de « Progrès » à majuscule. Et d'autres qui cherchent de nouveaux chemins pour un progrès humain.
Il y a ceux qui rêvent d'un « vaste réseau numérique neural », de « digitalisation » et de « capteurs » partout. Et d'autres qui redoutent ce futur à la Matrix.
Il y a ceux qui ne laissent pas le choix : « il faut accélérer », « aller de l'avant », « il y a une course, et la France risque de prendre du retard ». Et d'autres qui, avant de s'élancer, s'interrogent sur le sens de cette course : où va-t-on ? où veut-on aller ?
Il y a ceux qui célèbrent le Prométhée tout-puissant, porteur du feu et de la technique, même lorsqu'il mène à la catastrophe. Et ceux qui reprennent son flambeau, mais autrement : Prométhée a surtout eu pitié des hommes, il a pris le parti des faibles, lanceur d'alerte contre le Jupiter de l'Olympe ou de l'Élysée.
Il y a leur progrès, et le nôtre.
Emmanuel Macron et François Ruffin ont grandi derrière les mêmes grilles, celles du lycée La Providence à Amiens.
Très vite, leurs chemins se séparent. L'un devient reporter en Picardie, porte-voix des " gens contre l'argent ", réalisateur de Merci patron ! et député de la Somme.
L'autre choisit Paris et l'Ena, la commission Attali, la banque Rothschild, le palais de l'Élysée... Une vie entière dans le cocon des institutions, dans l'entre-soi du pouvoir.
À chaque étape de son ascension, Emmanuel Macron ne fréquente que des normaliens, des millionnaires, des vedettes, des hauts fonctionnaires, des industriels, des journalistes, des PDG.
François Ruffin se bat pour des auxiliaires de vie, des routiers, des caissières, des plaquistes et tant d'autres anonymes.
Dans ce livre brûlant, François Ruffin met à nu Emmanuel Macron, président d'un pays qu'il ne connaît pas.
« La guerre des classes existe, c'est un fait, mais c'est la mienne, la classe des riches, qui mène cette guerre, et nous sommes en train de la remporter.»
C'est Buffett qui a formulé ce jugement.
Pas Marie-George, non. Warren.
Deux «f», deux «t».
La première fortune mondiale.
Et c'est une évidence, sans doute, en cette époque où un «marché du luxe en forte croissance» côtoie «les émeutes de la faim». Une banalité, même, dans une France où le CAC 40 annonce des «profits records» et des «mégadividendes» tandis que, d'après l'INSEE, les salaires stagnent depuis trois décennies. Une certitude statistique quand 9,3% du PIB a glissé, en vingt ans, du Travail vers le Capital.
Une évidence, alors.
Sauf qu'il a fallu, justement, un Warren Buffett pour la dénoncer.
Jamais nous n'aurions osé, nous, prononcer ces mots, «guerre des classes»: par crainte de paraître «archaïques», «simplistes», «manichéens». Et, avec nous, c'est toute une gauche qui s'autocensure, qui s'enlise dans le salmigondis de la «complexité». Toute une gauche avec des chefs qui déguisent leur lâcheté en «courage», leur renoncement en «audace», et qui causent gentiment de «rénovation», de «modernisation» pour mieux masquer leur trahison.
François Ruffin est reporter pour l'émission de France Inter Là-bas si j'y suis et collabore au Monde diplomatique.
On en était où ?
Ah oui.
On fonçait vers le gouffre, à vitesse accélérée. La calotte glaciaire fondait, les ours polaires se noyaient, le Mont-Blanc reculait, les oiseaux ne se cachaient même plus pour mourir.
D'une part un député de gauche, non croyant, évoquant la place grandissante de la spiritualité dans ses combats. D'autre part, un évêque catholique refusant les étiquettes politiques, clame son opposition radicale au culte de l'argent-roi et invoque le devoir d'accueil des étrangers.
Dialogue entre François Ruffin, député de la Somme, et Mgr Olivier Leborgne, évêque d'Amiens, sur les rapports entre la spiritualité et la politique, et plus particulièrement sur les liens entre la quête de paix intérieure et la recherche de paix sociale.
Un échange franc où se mêlent spiritualité et politique qui permettra au lecteur de découvrir deux fortes personnalités aux convictions affirmées révèlant de nombreux points de convergence et dévoilant des parties étonnantes de leur parcours !
À PROPOS DES AUTEURS
François Ruffin - Né en 1975. Fondateur et rédacteur en chef du journal Fakir. César du meilleur film documentaire en 2017 pour son premier film, Merci Patron !. En 2017, élu député. Siège au sein du groupe La France insoumise.
Olivier Leborgne - Né en 1963. Prêtre puis vicaire général du diocèse de Versailles. Nommé évêque d'Amiens en 2014. Conseiller ecclésiastique de la Confédération nationale des associations familiales catholiques. Nommé évêque d'Arras en 2020.
Propos recueillis par Hugues Pinel et Adrien Louandre.
Cet ouvrage est une réédition numérique d'un livre paru au XXe siècle, désormais indisponible dans son format d'origine.