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Jean Marie Laclavetine
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'Le 1er novembre 1968, alors que nous nous promenions sur les rochers qui surplombent la Chambre d'Amour à Biarritz, ma soeur aînée a été emportée par une vague. Elle avait vingt ans, moi quinze. Il aura fallu un demi-siècle pour que je parvienne à évoquer ce jour, et interroger le prodigieux silence qui a dès lors enseveli notre famille. Je suis parti à la recherche d'Annie. Je l'ai vue revenir intacte dans sa fougue, ses doutes, ses enthousiasmes, ses joies et ses colères : une jeune femme d'aujourd'hui.'
Jean-Marie Laclavetine. -
' Tu as coupé à un nombre conséquent d'enterrements, petite veinarde. Tu as échappé à tous ces coups qui un par un nous assomment et nous laissent comme des boxeurs groggy dans l'attente du gong final, tu as échappé aux gémissements, partie avec sagesse et un brin de désinvolture dans la pleine force de tes vingt ans. '
En publiant Une amie de la famille, récit centré sur la mort de ma soeur Annie et le silence qui dès lors a enseveli ma famille, je n'imaginais pas que ce livre allait provoquer tant de réactions, de retrouvailles, de surprises. Tous ces signes attestaient de la puissance de l'écriture, de ce qu'elle délivre ou dénoue. Alors j'ai décidé de montrer à Annie à quel point elle est restée présente. ' La vie des morts ', disait notre père, persuadé que sa femme et sa fille continuaient de lui parler. Ce n'était pas un songe de vieillard, c'était la simple vérité.
J.-M. L. -
Légers, amusants, pénétrants, fantaisistes, parfois sarcastiques mais finalement toujours indulgents, ces portraits du monde littéraire forment un ensemble sur lequel Roger Grenier travaillait à la fin de sa vie. On trouvera ici également trois nouvelles inédites ainsi qu'un texte sur L'Illustration, cette revue qui fit le bonheur des foyers français et qui donne à l'auteur de Ciné-roman l'occasion d'évoquer, bien à sa manière, la guerre, qu'il avait en horreur. On verra passer au fil de ces pages les ombres d'une foule de personnages obscurs ou glorieux qui ont hanté la littérature du vingtième siècle et les couloirs de la maison Gallimard, figures qu'en trois mots Roger Grenier sait rendre attachantes ou révélatrices, comme un dessinateur de procès d'assises au trait rapide et sûr.
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Et j'ai su que ce trésor était pour moi
Jean-Marie Laclavetine
- Gallimard
- Folio
- 11 Octobre 2017
- 9782072736469
"Je commence. Cesse de t'agiter sous ton drap blanc, Julia. L'hôpital, les tuyaux translucides qui te font une chevelure de déesse du futur, la musique des appareils, le clapotis des sandales sur le sol du couloir, les appels, les chariots, les murs pâles où danse la lumière, les reflets sur l'acier du lit, tout cela va s'évanouir. Chaque nuit je viendrai à ton chevet te raconter une histoire écrite pour toi dans la journée. Jusqu'à ce que tu reviennes. Attends-toi à des surprises."
Pour réveiller Julia, Marc invente à partir de leur histoire d'amour un torrent de récits où se mêlent le suspense et l'émotion, la gravité et le rire, exaltant le pouvoir enchanteur de l'invention romanesque. -
"Vous écrivez ?
Ne dites pas non. J'ai l'oeil.
Pas de quoi avoir honte. Moi aussi, vous savez, j'ai un problème avec l'écriture.
Vous avez mal, vous êtes mal ? La drogue vous tient ? Vous pensez qu'il n'y a rien à faire contre la dépendance ? Vous vous trompez. Arrêtez d'écrire, c'est possible, pour peu qu'on soit compris et soutenu.
Venez nous rejoindre au club, un de ces soirs. Nous nous réunissons dans l'arrière-salle du Caminito, rue des Cinq-Diamants.
Venez. Vous n'êtes plus seul."
Jean-Marie Laclavetine.
Prix Goncourt des Lycéens -
Paris, Mai 1968. Marie-Laurence Volponi, dite Lola, a vingt-huit ans. Elle fréquente une communauté urbaine installée rue des Canettes, dont les membres sont plus jeunes qu'elle, et beaucoup moins expérimentés. Parmi eux, quatre garçons d'une vingtaine d'années avec qui elle entretient des relations d'amitié amoureuse. Lola exerce sur eux un ascendant renforcé par le mystère qui entoure son passé et une partie de sa vie présente. Lorsqu'ils apprennent qu'elle est enceinte d'un homme avec qui elle vient de rompre, ils décident d'assumer collectivement la paternité : ce sera un enfant de l'ère nouvelle... Mais l'ère nouvelle est faite de lendemains qui pleurent et de combats douteux.
Dès la naissance de l'enfant, des péripéties en cascade vont agiter la vie de Lola, et l'entraîner de Paris à Cuba, de Toulouse à Maracaibo pour finir en apocalypse dans un étrange monastère enlisé en pleine Brenne.
Le pouvoir des fleurs n'est pas seulement un roman d'aventures particulièrement remuant. Le récit restitue les ambiances tour à tour délirantes et dépressives des années 70 et 80. Rock, drogues, sexe, utopies libertaires, ivresse des mots et des dogmes, enchantements et désenchantements, fleurs de fumée ou fleurs de plomb : l'écriture survoltée, sarcastique, parfois burlesque restitue la folie généreuse et amère du Flower Power. -
1973. Le cercueil du maréchal Pétain est arraché à sa sépulture de l'île d'Yeu par un commando de fidèles. Ils projettent de l'ensevelir à Douaumont, parmi les pioupious. Mais Paul Destrem et Salvador Martinez, deux trublions indépendants, interceptent par hasard l'illustre dépouille. Ils vont dès lors veiller sur ce trésor de guerre, ardemment convoité par diverses factions.
Nous voilà ne raconte pas seulement les tribulations d'un Maréchal en rupture de tombe à travers trois décennies. C'est aussi la chronique ravageuse d'une époque et d'une génération parcourues par les répliques du séisme soixante-huitard, de 1973 à 2007. On y croisera quelques brebis échappées du Larzac, des forts en thème et des forts en gueule, une Islandaise aux yeux de banquise et un Argentin désargenté, des apôtres du président Mao devenus champions de l'Occident chrétien, des enfileuses de perles en plastique et des fumeurs de joints, des idéaux en berne et des idées en l'air, des renégats, des missionnaires, quelques gardes mobiles et un garde-barrière, et aussi une femme qui rit. On y rencontre Samuel, enfant perdu, et ses parents Paul et Lena, couple central du roman, qui essaient d'inventer un amour résistant aux maladies du siècle.
Prix du Roman historique des Rendez-Vous de l'Histoire 2009 -
Au centre du livre, une ville accrochée au gris de la mer. Également gris l'ordre régnant, l'omniprésence du pouvoir qui depuis les 'événements" maintient Aswerda dans une terreur immobile. Joris, brutalement arraché à son enfance, à la protection des murailles de livres de la librairie paternelle, commence sa dérive à travers une réalité qui s'effrite. Elenn, la première, le guide dans sa recherche de l'impossible unité, et grâce à elle Joris ouvre les yeux, peu à peu. Mais il reste à la lisière des choses, spectateur de l'existence des autres. Ana, elle, est au coeur de la vie ; elle est de ceux qui se battent pour redonner souffle au pays, ceux que la clandestinité forcée ne réduit pas au silence, ceux qui puisent dans l'oppression même une raison supplémentaire d'espérer. Aswerda étouffe sous ses cendres ; Ana et Joris y vivront une sorte de 'songe malade', une histoire qui devra se dénouer avant de naître vraiment. Joris ne peut pas entrer de plain-pied dans l'événement, vivre en même temps que ses gestes. Il peut tenter de questionner, d'arracher des réponses au réel, bâtir entre lui et le monde de fragiles passerelles de mots ; l'éloignement est sans remède. Loin des autres, loin de lui-même : le silence, l'exil.
Prix Max-Barthou de l'Académie française 1983
Prix de la Vocation 1982 -
Pierre est mort. Dans la chambre blanche et froide où il est étendu, la narratrice tente à force de mémoire de redonner souffle à ce qui a existé. Elle exhume pour l'ultime parade les images de leur aventure, elle les lance contre la nuit qui gagne. Pour seule arme, les mots, grâce auxquels elle reconstitue le cheminement de Pierre vers la mort, la lente, l'impitoyable destruction physique et morale qu'il a choisi d'organiser, de devancer en supprimant les traces tangibles de son passage de vivant ; elle fait aussi resurgir le bonheur, le bonheur fou et le plaisir, la jouissance éperdue, la maison de Pierrebrune, le cimetière de Venise, le groupe des amis, tout cela : la douleur, la révolte, les cafés et les rues de la ville ; et puis il y a Claire, la lumineuse Claire, les moments de joie folle qui les réunissaient tous trois au confluent de leurs corps, ivres de vie... Insuffisante magie des mots. Si la narratrice veut tout dire, ose tout dire avec une telle véhémente sincérité, c'est qu'elle pense cette exigence seule capable de lui restituer ce qui s'est arraché d'elle.
Comme si les mots recelaient tout entière la puissance essentielle de la vie.
Prix Félix-Fénéon 1981 -
"Le corps cassé à angles droits suivant les lignes du fauteuil, mains crispées sur les volutes des accoudoirs, Horus aveuglé de mémoire et d'images, Monsieur laisse perler des mots qui viennent rouler sur ta feuille..." Hélène rédige, sous la dictée d'un écrivain vieillissant, l'histoire de Maria et Thomas, dont les existences ne cessent de se croiser, de se heurter. Manège halluciné de la possession : ils s'exaspèrent aux franges du désir jamais rassasié qui les dévaste.
Dans la maison qui craque comme un bateau sous les ruades du soleil et du vent, Monsieur dicte, se vidant de ses mots, de sa vie ; son corps se dessèche, se ravine, "comme si le temps avait décidé de recouvrer d'un coup d'anciennes créances".
Prise dans le jeu ambigu entre fiction et réalité, impatiente de comprendre le silence de Laure, fille mutique de l'écrivain, Hélène devient elle-même un personnage de l'histoire qui se construit. Entraînée par l'adolescente, elle est à son tour une femme en fuite.
Prix Valery-Larbaud 1988 -
Dans une rue étroite, à deux pas de la Bastille, l'immeuble en voie de réhabilitation grelotte sous le harcèlement des pics et des perceuses. Étienne Fage, refusant de quitter le bâtiment malgré les injonctions et les menaces, vit au dernier étage. Aidé par La Der, il écrit une histoire qui va nous entraîner vers d'autres temps, d'autres lieux.
Qui est La Der ? Recluse dans la chambre aux volets fermés, elle semble tout voir, tout comprendre. À travers la cloison qui les sépare lorsqu'il travaille à son bureau, elle exhorte Fage, l'encourage, le houspille. Grâce à elle, nous suivrons la rencontre furieuse de deux adolescents, Alice et Fred, puis leur équipée selon le trajet migratoire des oiseaux vers le Sud-Ouest.
Les récits s'entrelacent, se tendent à la façon d'un piège minutieusement réglé ; mais un rire traverse le livre, comme une maille qui se défait. -
"Le chef s'approcha du bord, désigna avec son bâton un point invisible, et s'engagea sur la glace avec la sombre assurance de celui qui sait où il va, et qui préférerait aller ailleurs. La troupe avança derrière lui, en file magdalénienne. [...]
Pour se donner un genre, il portait autour du cou un renard argenté qu'il n'avait pas pris la peine de vider, et qui répandait dans un large périmètre l'odeur inimitable du pouvoir. Il avançait, grandiose, sur l'eau gelée, abandonnant ses miasmes au vent charognard, et le toc régulier de son bâton sur la glace cherchait à rassurer le petit peuple qui n'en pensait pas moins." -
"Nos vies courent sur des rails. Parfois elles les quittent, pour le meilleur ou pour le pire, pour la frayeur ou pour le rire. Presque toutes les nouvelles de ce recueil se déroulent à proximité de l'univers ferroviaire. Bonheurs d'aiguillage, vies déraillées, convois perdus dans le brouillard ou cisaillant des plaines gelées, elles vont leur train, nos vies."
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Un matin de mai, salle des pas perdus. Dans sa nacelle, Ange peint l'armature de l'immense verrière qui surplombe la gare. De là-haut, on peut observer l'humanité en marche.
Il y a là tant d'histoires sur le point d'être racontées, tant de grands et de petits drames, tant de coeurs qui battent, de bouches qui laissent filer tant de mots, de cris, de rires, tant de vies qui vont se heurter, se mêler... Ce conducteur de chariot électrique, cette vieille dame à l'oreille collée à son téléphone portable, ce serveur du buffet qui poursuit le plateau posé au bout de son bras, cet homme d'affaires à peine réveillé et déjà gonflé de colère contre les obstacles qui l'attendent, cet agent d'entretien tiré par un balai à franges, ce vol de collégiennes qui débarquent de leur banlieue en piaillant et fumant, ces flics et ces soldats : c'est la gare dans le matin bleu, un univers qui s'active et s'inquiète, une grande usine où les histoires des hommes et des femmes se cardent et se tissent dans un tumulte de ferrailles.
Ce qui s'annonce, c'est une journée du monde, une journée de printemps comme les autres. À quelques détails près... Et quelques accidents. -
La martre et le léopard ; carnets d'un voyage en Croatie
Jean-Marie Laclavetine
- Gallimard
- Le sentiment géographique
- 27 Avril 2012
- 9782072414589
"On vous dit : la Croatie, bien sûr les archipels de rêve, les crépuscules enchanteurs, bien sûr les murailles de Dubrovnik, l'air qui tremble sur les plages blanches, les îles en suspens dans l'eau turquoise... Pourtant ce n'est pas vers ce pays que je suis allé. Je voulais flâner dans des campagnes grises méconnues des touristes, me perdre dans des banlieues, me laisser surprendre au virage, connaître un peu l'envers de ce pays qui depuis trois millénaires conjugue les bonheurs de la géographie avec les malheurs de l'histoire.
Et puis surtout rencontrer des personnes vivantes, les regarder bouger et vivre, observer leurs façons de sourire ou de se taire, revoir aussi quelques amis croates connus lors de mes voyages en Bosnie. Ce sont leurs voix, recueillies au fil de la promenade, sarcastiques ou mélancoliques, pleines d'un amour fatigué pour cette terre, que je veux faire entendre."
Jean-Marie Laclavetine. -
Je est un autre ; pour une identité-monde
Collectif
- Gallimard
- Hors série Littérature
- 27 Avril 2012
- 9782072412509
«En 2007, nous avions fait paraître aux Éditions Gallimard un ouvrage collectif intitulé Pour une littérature-monde, où nous rappelions que la littérature n'était pas compressible à l'intérieur de frontières. Ce livre, par son écho, a contribué à faire évoluer notre perception d'une littérature de langue française outrepassant les limites de l'Hexagone.
Le débat continue, sous des déguisements parfois inattendus. En cette année où l'on veut célébrer le cinquantième anniversaire des indépendances africaines, voilà que le débat, en France, se replie frileusement sur les contours d'une "indentité nationale".
Chaque être est un millefeuille, autrement dit un livre composite, qui ne peut se réduire à cette fiction identitaire nationale. "Je est un autre", lançait il y a longtemps un poète fameux. Et cela est encore plus vrai aujourd'hui, en une époque de fantastiques télescopages culturels, tandis que naît un monde nouveau où chacun, au carrefour d'identités multiples, se trouve mis en demeure d'inventer pour lui-même une "identité-monde". Les romanciers qui ont appris à composer avec toutes ces voix de l'intérieur, discordantes, foisonnantes, paralysantes, entraînantes, qui se moquent des langues et des frontières, ont évidemment leur mot - poétique - à dire.»
Michel Le Bris et Jean Rouaud. -
« J'avais dix-huit ans quand nous nous sommes connus, une nuit d'été à Paris, rue Vieille-du-Temple. Un jeu de cartes, quelques copains, quelques bouteilles : les ingrédients étaient réunis pour former le noyau d'une solide bande. »
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Ici et là, ou bien ailleurs
Collectif
- Gallimard
- Hors série Littérature
- 19 Décembre 2014
- 9782072524417
Il était une fois douze écrivains donnant de leurs nouvelles, d'ici, de là-bas ou bien d'ailleurs. Les douze destinations furent multiples et surprenantes, proches ou lointaines, émouvantes, dépaysantes assurément.
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"D'un tempérament doux, Vincent Artus n'avait jamais tué que sa femme.
Elle était restée un moment en suspens au bord du sentier, les yeux fixés sur Vincent. La surprise imprimait sur sa peau des taches lilas, et elle battait des bras comme pour s'envoler.
Elle ne s'envola pas. Son corps le long de la pente avec la lourdeur d'un reproche, dans le bruit de crécelle des cailloux qui accompagnaient sa chute." -
L'éclat de rire testamentaire de Siné !
Homme de combats, contre l'injustice, le colonialisme, le racisme, Siné ne pensait pas que celui qu'il aurait à mener, à 84 ans, contre la leucémie serait le plus redoutable. Il fut grand fumeur, gros buveur, fêtard invétéré. Et il le reste dans l'âme, malgré une insuffisance respiratoire carabinée l'obligeant, depuis des années, à vivre sous oxygène, un coeur poussif relayé par un pacemaker et des hanches délabrées qui le forcent à se déplacer en fauteuil roulant.
Il consacre auourd'hui toute son énergie à son métier de dessinateur et de pamphlétaire, à sa famille, à ses amis et à ses chats.
Confronté à cette nouvelle maladie, il lui a fait face avec l'humour et la détermination dont il a fait preuve tout au long de sa vie.
Ce livre en est le témoignage. -
Un même amour du vin (cadeau des dieux, cadeau du diable) réunit et agite les personnages de ces dix nouvelles. Quoi de commun, sinon, entre un pêcheur à la mouche, deux jeunes dégénérés, une héritière sans états d'âme, un vigneron concupiscent, des amants d'un soir, un fantôme terré dans une cave, un père naïf et son fils rusé, un sorcier, deux copains comme cochons, un buveur en plein cauchemar, un curé mélancolique ? Tous ont une passion - joyeuse ou funèbre, passagère ou fatale, raisonnée ou délirante, érudite ou bestiale - pour le vin.
Qu'il fasse rire ou qu'il inquiète, c'est bien le vin, sous tous ses aspects et dans tous ses éclats, qui forme l'unique miroir de ces vies et leur donne leur coloration, leur acidité, leur saveur.