L'homme et le sacré, paru à la veille de la guerre, est un des ouvrages pionniers de nouvelle sociologie française. Roger Caillois ne rompt cependant pas avec la tradition : il part des conquêtes de l'école durkheimienne, et en particulier des recherches de Marcel Mauss, qu'il confronte avec celles des maîtres de la sociologie allemande, anglaise et américaine.
L'homme et le sacré est à la fois un livre de sociologie et de philosophie, une étude originale et hautement personnelle sur le sacré "qui donne la vie et la ravit, est la source d'où elle coule, l'estuaire où elle se perd".
"Je parle de pierres qui ont toujours couché dehors ou qui dorment dans leur gîte et la nuit des filons. Elles n'intéressent ni l'archéologue ni l'artiste ni le diamantaire. Personne n'en fit des palais, des statues, des bijoux ; ou des digues, des remparts, des tombeaux. Elles ne sont ni utiles ni renommées. Leurs facettes ne brillent sur aucun anneau, sur aucun diadème. Elles ne publient pas, gravés en caractères ineffaçables, des listes de victoires, des lois d'Empire. Ni bornes ni stèles, pourtant exposées aux intempéries, mais sans honneur ni révérence, elles n'attestent qu'elles."
Roger Caillois.
Il y a longtemps déjà que les philosophes ont été frappés par l'interdépendance des jeux et de la culture. Roger Caillois fait, pour la première fois, un recensement des sortes de jeux auxquels s'adonnent les hommes. À partir de ce recensement, il élabore une théorie de la civilisation et propose une nouvelle interprétation des différentes cultures, des sociétés primitives aux sociétés contemporaines.
Ponce Pilate est un récit qui se déroule entre le moment où le protagoniste apprend que le Sanhédrin a condamné à mort le Christ, et le lendemain, où l'auteur imagine que le Procureur de Judée le libère, de sorte que le christianisme n'aura pas lieu.
"C'est en effet dans le mythe que l'on saisit le mieux, à vif, la collusion des postulations les plus secrètes, les plus virulentes du psychisme individuel et des pressions les plus impératives et les plus troublantes de l'existence sociale. Il n'en faut pas plus pour lui accorder une situation éminente et pour inciter à ordonner par rapport à lui quelques-uns de ces problèmes essentiels qui touchent à la fois au monde de la connaissance et à celui de l'action."
Roger Caillois.
Selon la mythologie, le fleuve grec Alphée, amoureux de la nymphe Aréthuse, traverse la Méditerranée et redevient fleuve en Sicile. Pour Roger Caillois, "les hommes, eux-mêmes, passent ainsi par des pertes souvent durables, et en resurgissent ensuite, recouvrant mystérieusement, souvent à la fin de leur vie, leur paysage premier... [...]" D'une enfance quasi sauvage à l'océan livresque des connaissances humaines, pour aboutir au dernier refuge, l'indestructible monde minéral - tel est le parcours dont l'écrivain fait ici la confidence en nous livrant, au passage, son interprétation du monde.
Cet ouvrage, méconnu, de Roger Caillois, servi par une incroyable érudition, présente un propos original sur la guerre, et fait tomber quelques idées reçues, notamment sur l'humanisme pacifiant, l'égalité et les droits de l'homme.
La guerre, d'abord limitée, réglée par l'honneurs, et le fait d'une caste guerrière, devient, avec l'apparition de l'État moderne et de la démocratie, le fondement et la préoccupation principale de la vie politique. Pour Caillois, la guerre remplit aussi dans la société mécanisée la même fonction que la fête dans la société primitive : elle exerce la même fascination et « constitue la seule manifestation du sacré que le monde contemporain ait su produire, à la mesure des moyens et des ressources gigantesques dont il dispose ».
Bellone, écrit au début des années 1950, n'est pas seulement une dénonciation de la « guerre totale » et du nazisme, mais montre la pente qui conduit de la démocratie au totalitarisme.
En couverture : Jean-Louis-Ernest Meissonier, Allégorie du Siège de Paris, huile sur toile, 1870, Paris, Musée d'Orsay. © RMN (Musée d'Orsay) / Hervé Lewandowski.
Approches de l'imaginaire rassemble certaines études écrites par Roger Caillois entre 1935 et 1950 et non réunies jusqu'´r présent en volume. L'ouvrage reprend également trois essais épuisés et devenus introuvables : Proccs intellectuel de l'art, Puissances du roman et Description du marxisme.
Il est divisé en quatre parties : 'L'équivoque surréaliste', 'Paradoxe d'une sociologie active', 'Sciences infaillibles : sciences suspectes', 'Puissances du roman', qui apportent souvent d'autres témoignages sur les mouvements auxquels l'auteur a participé, notamment le groupe surréaliste dont il fut membre de 1932 ´r 1935 et le Collcge de Sociologie qu'il fonda en 1937 avec Georges Bataille. Ces études reliées par des arguments qui en précisent situation et signification s'efforcent, chacune ´r sa manicre, de définir la logique de l'imaginaire. Elles racontent une sorte d'éducation intellectuelle toujours orientée vers un meme but : défricher l'univers sensible afin 'd'y déceler des corrélations, des réseaux, des carrefours, des régularités, en un mot quelques-unes des réverbérations mystérieuses dont se trouve marqué ou illuminé l'épiderme du monde, depuis les dessins des pierres dans la maticre inerte jusqu'aux images des poctes dans le jeu apparemment libre de l'imagination'.
Cases d'un échiquier (1970) constituait par anticipation le second tome de ces Approches de l'imaginaire. Il correspond ´r la période 1950-1965. Obliques (1975) a rassemblé les dernicres analyses de Roger Caillois, décédé en 1978.
Voici cinq oeuvres dispersées dans le temps (de 1944 à 1977), mais dont l'évidente unité est celle de l'obscure préparation d'une "poétique généralisée", parallèle de l'"esthétique généralisée" dont Roger Caillois a avancé l'idée en établissant une continuité entre "la turbulence encore secrète" de l'univers inerte et le monde de l'autre turbulence que représente l'imaginaire humain, et particulièrement la poésie.
Dans Approches de l'imaginaire, l'auteur avait examiné le phénomène poétique comme un cas particulier de l'imaginaire. Ici, il soumet la poésie française contemporaine à une analyse critique, il en incrimine parfois les postulats dans Les Impostures de la poésie et dans Aventure de la poésie moderne. En même temps, lui qui avait adhéré au surréalisme "pour en finir avec la littérature", il avoue dans ces essais déjà anciens sa méfiance à l'égard de "l'inspiration absolue et incontrôlée", de l'image "inimaginable".
Toutefois, sans se déjuger, il insiste désormais sur l'importance de "l'image juste", "efficace", dans l'Art poétique et Reconnaissance à Saint-John-Perse. Exactitude et surprise, désarroi suivi de fascination, énigme posée en défi et bientôt accueillie comme signe d'intelligence, "occasion de tressaillir et d'admirer" : ces vertus de l'image tiennent à une propriété essentielle de l'univers, que cerne, à partir d'une leçon faite au Collège de France, le Résumé sur la poésie.
Ce recueil d'essais s'inscrit à la suite d'Approches de l'imaginaire et de Cases d'un échiquier. Le titre même d'Obliques renvoie à l'idée, chère à Roger Caillois, de "sciences diagonales". Il s'agit de compenser le découpage parfois dangereusement parcellaire des divers domaines de la recherche par des coupes transversales dans le savoir acquis.
Dans ces essais fort excitants pour l'esprit, Caillois parle aussi bien de l'erreur de Lamarck qui crut un moment au transformisme des minéraux que des conceptions diverses du temps : circulaire ou rectiligne. De Phèdre et de l'Enfer. Du fantastique et du merveilleux. Et l'on suit avec curiosité sa démonstration : si c'étaient bien les chrétiens, comme les en accusait Néron, qui avaient brûlé Rome ?
Obliques est précédé d'Images, images... qui comporte trois études : "De la féerie à la science-fiction", "Prestiges et problèmes du rêve", "L'agate de Pyrrhus".
Cet ouvrage est une étude des principaux problèmes posés par la littérature : la littérature dans la société, la littérature devant la morale, la littérature et le langage. Il est né d'une réflexion sur l'évolution des Lettres depuis le romantisme, sur l'état de paroxysme où elles se plaisent, sur la sorte de fureur destructrice où elles se consument présentement. Mais cette enquête (ou, si l'on veut, ce réquisitoire) n'est pas seulement une mise en cause - esthétique, morale et sociologique - de la littérature contemporaine, elle s'ouvre à la fin en une manière de traité des fins dernières de la littérature.
Cet ouvrage est une réédition numérique d'un livre paru au XXe siècle, désormais indisponible dans son format d'origine.
Roger Caillois propose ici un témoignage personnel sur l'aventure critique dans le domaine littéraire. Au-delà des approches techniques traditionnelles, il s'agit en effet de rendre sensibles les intuitions et les impressions d'un auteur face à l'écriture. De Corneille à Saint-John Perse, de Montesquieu à Saint-Exupéry, les « rencontres », au fil des pages, se multiplient et s'enrichissent, aussi révélatrices de l'importance des textes eux-mêmes que de la personnalité de Roger Caillois. Roger Caillois est membre de l'Académie française.
"Ce petit ouvrage porte sur une oeuvre loin d'être terminée. Aussi n'a-t-il pas la moindre ambition d'être complet. En outre, sur la partie qui, de cette oeuvre, existe, il n'est nullement systématique. Il en souligne certains caractères. Elle en présente d'autres, sans doute non moins dignes d'attention. Enfin, des caractères qu'il étudie, il ne pousse pas l'examen à fond, s'il s'efforce d'en dire l'essentiel. Là encore, il donne surtout des exemples privilégiés. On le voit : il s'agit, hélas, d'un opuscule échantillonnaire.
Ceci dit, il prétend en revanche à quelque précision, dans la mesure où il prend franchement le contrepied de la critique poétique en honneur. En premier lieu, il ne s'intéresse pas à l'auteur, ni à ses tourments, ni à ses secrets, ni même à ses lectures. Il fait à peu près comme si cet auteur n'existait pas. Après tout, la critique consiste à étudier la technique et la signification d'une oeuvre, beaucoup moins la biographie ou la psychologie d'un homme. Ceci est affaire de veine curiosité ou affaire de psychanalyse, en admettant que la psychanalyse soit autre chose qu'une science conjecturale, où un docile principe d'explication offre encore moins de résistance à l'interprète que, par exemple, dans l'astrologie, les astres à l'astrologue."
Roger Caillois